J’ai reçu la très intéressante réaction suivante à mon article n° 299. Ce texte est un peu long mais sa valeur documentaire mérite
la lecture. Les mises en gras sont de ma part.
Le mot voile n'existe pas dans la langue arabe du septième siècle.
Article paru dans le quotidien tunisien La Presse
, le 21 Octobre 2006
:
Nouvelles considérations sur le voile islamique
par
Iqbal AL GHARBI, professeur à l’Université Zeïtouna
(Tunisie)
Dans le combat contre les totalitarismes et la lutte pour les libertés et la dignité humaine, nous pensons que la ligne de démarcation ne passe pas obligatoirement entre l’Occident et l’Orient,
entre le Nord et le Sud, mais plutôt entre intégristes de toute obédience et rationnels de tous les pays. Entre autoritarisme et démocratie. Entre ceux qui possèdent la Vérité et ceux qui
savent
douter
.
Les discours islamistes dans le monde musulman ont émergé dans des contextes politiques et économiques très différents. Malgré
leur ressemblance manifeste, il serait toutefois erroné de considérer
ce phénomène comme un mouvement unique et homogène. Les conflits locaux, leur médiatisation, les transformation sociales,
les crises économiques, les références étrangères façonnent des mouvements
islamistes polymorphes et diversifiés. Cependant, malgré ces dissemblances, les fondamentalistes musulmans sont
consensuels sur deux questions étroitement liées : la quête de l’identité et le
statut de la femme.
En effet, incapables de définir et de promouvoir une politique et une économie
alternative qui soient spécifiquement islamiques, les intégrismes musulmans n’ont identifié qu’un seul domaine porteur
de l’essence de l’identité islamique : la question de la femme. La
revendication du port du voile islamique pour les femmes est le point pivot de toute leur politique à l’égard des femmes et même
de toute leur idéologie.
Un déchiffrage rapide de leurs discours nous montre que le hijab cristallise tout le système anthropologique, juridique,
culturel et politique de l’islamisme.
Un discours du refus
Au regard de cette lecture, nous comprenons que ce vêtement n’est que la partie apparente de l’iceberg. La signification du
voile islamique, indépendamment des variantes socioculturelles qu’il
adopte, transcende largement celle d’être un simple uniforme, supposé protéger le corps féminin de la convoitise des hommes.
Derrière le voile, il y a toute l’interprétation rétrograde de la
chariaâ. Il y a les trois inégalités essentialistes qui caractérisent cette interprétation :
L’inégalité entre homme et
femme, l’inégalité entre musulman et non-musulman et l’inégalité entre homme libre et esclave. Ainsi, le voile devient un message religieux qui nécessite une
interprétation. Il révèle des
conceptions rétrogrades occultées par la dissimulation tactique «taquiyya» prônée dans les propos officiels politiquement corrects : comme la supériorité du musulman
sur l’infidèle,
l’interdiction de la liberté de conscience, l’intolérance, la polygamie, la répudiation et la lapidation. Le discours que véhicule le voile islamique est donc un discours de refus,
refus du
sujet, de son autonomie, de sa liberté, de l’égalité homme-femme, de la mixité, de la laïcité de l’espace public, des droits de l’homme, des valeurs démocratiques.
Les intellectuels qui défendent le voile islamique et le considèrent comme un symbole impartial en cultivant le doute
relativiste et en sacralisant la recherche de l’altérité et le culte de la
différence doivent tenir compte des faits suivants :
- Sur le plan étymologique, le terme «voile» en
français est utilisé comme traduction du mot arabe «hijab». Or du point de vue linguistique, cette traduction est un glissement de sens. Le mot
«voile» devrait traduire «nikab» ou «khimar», car
le nikab et le khimar sont, comme le voile, une pièce d’étoffe servant à cacher le visage. Par ailleurs, la traduction du mot arabe «hijab», qui
est apparu dans le Coran, par «voile» n’est pas
exacte, car le terme adéquat est «store», «draperie», «paravent» ou «rideau». En effet, le mot hijab dérive du verbe hajaba : «dérober aux regards,
cacher». En médecine, c’est une membrane qui
sépare les unes des autres certaines parties de l’organisme.
C’est ainsi qu’on parle de hijab al djawf (diaphragme) ou de hijab al bukuriyya (hymen). Aux yeux des mystiques, le hijab est
tout ce qui voile le but, tout ce qui rend l’homme imperméable à la
réalité divine. Le hijab est également le talisman écrit par un cheikh qui permet à son porteur une séparation mystique, une
protection contre les aléas du réel.
- Par ailleurs, le thème du hijab est abordé huit fois dans le Coran dans les sourates 7, 17, 19, 38, 41, 42, 83 et 33. Et pas une seule fois
pour désigner l’habit dont la femme devrait se
couvrir la tête. Les seuls versets qui contiennent des recommandations vestimentaires et de pudeur sont les versets 30 et 31 de la sourate 24 ou
sourate «Al Nour». Egalement, dans le verset 59 de
la sourate 33 ou sourate «Al Ahzab», Allah conseille aux femmes du Prophète de se faire reconnaître en dépliant sur elles leurs jalabib
(manteau ou cape). Il ne s’agit pas donc d’un nouvel élément
vestimentaire, mais d’une nouvelle façon de porter l’ancien, de se distinguer au niveau des gestuelles.
En outre, ce verset
concerne effectivement les femmes, mais pas n’importe quelles femmes. Il vise clairement les mères des croyants qui ne sont autres que les femmes du Prophète, auxquelles on doit
respect, et que
l’on ne peut prendre pour épouses, veuves ou divorcées, puisque le Coran leur a octroyé le titre de Mères de tous les croyants. Certains exégètes rappellent que la différence de
traitement en ce
qui concerne leur impossibilité de se remarier, citée dans le même verset que le hijab, et le double châtiment ou la double récompense qui ne s’adressaient qu’à elles souligne bien qu’il ne
s’agit pas d’une règle universelle mais d’une règle spécifique et contextuelle s’appliquant exclusivement aux épouses du Prophète.
La décision arbitraire de certains exégètes de considérer ce verset comme ayant une portée générale, c’est-à-dire
intemporelle, universelle, valable pour toutes les situations, est contraire aux
exigences orthodoxes de l’exégèse qui prescrit de tenir compte des causalités, «asbab annuzul». Cette
supercherie constitue le principal fonds de commerce des positions rétrogrades de l’islamisme
et des milieux conservateurs en niant l’historicité et la relativité du texte sacré.
Les
oulémas musulmans affirment que le voile islamique est obligatoire uniquement pour la femme libre. Pour les fuqahas des quatre écoles de la jurisprudence musulmane, l’école malékite, hanafite,
chaféite, hanbalite, la femme esclave qui est écartée des circuits de la circulation des épouses et éloignées de la filiation généalogique ne doit pas se voiler, sa awra (zone corporelle qui
doit
être cachée) est assimilée à celle de l’homme afin de favoriser la traite des esclaves et protéger les intérêts commerciaux. Le calife Omar Ibn Khattab punissait sévèrement la femme esclave
qui
osait se voiler car elle mettait en danger la distinction de classe entre femme libre et femme esclave.
Déni de la différence
- A toutes les époques, le port du voile a été
réfuté au sein même du monde musulman. A commencer par l’arrière-petite fille du Prophète Mohamed, Sukaïna Bint El Hussein, qui refusait
obstinément de porter le voile. Aïcha Bent Talha, la
petite-fille du premier calife de l’Islam et compagnon du Prophète, Aboubakr, affirmait quant à elle que «si Dieu lui avait fait don de sa
beauté, elle ne voyait pas pourquoi elle devrait
la cacher sous un voile». Depuis ce temps, les mouvements progressistes et féministes l’ont toujours contesté.
- Dans certains pays musulmans, le voile est imposé également
aux femmes non musulmanes, ce qui révèle ses véritables enjeux : phobie de la féminité, déni de la différence de sexe, déni de la
différence elle-même qui remet en cause la parole univoque
!
Aujourd’hui, on comprend aisément que le voile islamique nous apparaît comme un signe politique et comme un marqueur religieux. Il cristallise une série d’exigences imposées à la
femme musulmane :
l’abdication d’être un esprit libre dans un corps réapproprié. Vu que lorsque la norme disciplinaire réussit à pénétrer le quotidien pour quadriller et stériliser le corps,
le désir, la sensibilité
esthétique, bref la disposition innée de l’homme au plaisir, cela permet toutes les dérives totalitaires. Et dans le combat contre les totalitarismes et la lutte pour
les libertés et la dignité
humaine, nous pensons que la ligne de démarcation ne passe pas obligatoirement entre l’Occident et l’Orient, entre le Nord et le Sud, mais plutôt entre intégristes de
toute obédience et rationnels
de tous les pays. Entre autoritarisme et démocratie. Entre ceux qui possèdent la Vérité et ceux qui savent douter. Dans cette perspective, le voile ne sera plus
évalué en termes de modernisme ou de
spécificité culturelle, mais plutôt jugé par le seul critère normatif qui vaille : l’humanité de l’homme.
I.A.G.
PROLOGUE:
Les réglementations de voiles n'ont aucun rapport avec une croyance monothéiste proprement dit ni avec la religion,
ce ne sont qu'idées d'origine masculine [phallocrate ou patriarcale] dont
l'origine remonte a dix neuf siècle avant les rédactions du coran. Il est bon de se souvenir que le mot voile
n'existe pas dans la langue arabe du septième si
ècle.